Interaction compétitive

L'acacia et le grand koudou

Ne vous méprenez pas ! - « L'acacia et le grand koudou » n'est pas le titre d'une fable méconnue ou encore moins celui d'un roman mystérieux dans lequel se trame une intrigue mélangeant des sortilèges avec des pratiques vaudou, mais bel et bien un exemple d'interaction compétitive entre la survie d'une plante et celle d'un animal.

Résumé de l'anecdote

Source - La version retenue est celle qui résulte de l'analyse critique ayant fait l'objet d'un article intitulé « Le koudou et l’acacia : histoire et analyse critique d’une anecdote » rédigé par Adrien Delattre, publié le 21 mars 2019 sur le site internet Tela Botanica.

Un grand koudou mâle
Document n°1 - Un grand koudou (Tragelaphus strepsiceros) mâle.

Entre 1981 et 1986, dans la province sud-africaine du Transvaal, la sécheresse hivernale s’accompagne d’une mortalité anormale des grands koudous (Tragelaphus strepsiceros) dans de nombreux ranches.

L'autopsie de ces antilopes élevées pour la chasse révèle que ces animaux ne sont morts ni de maladie, ni de parasites, ni de faim ou de soif prolongées.

Le zoologiste Wouter van Hoven en vient à suspecter un rôle des tanins présents dans leur alimentation.

Il montre une corrélation entre la densité de koudous dans les ranches, leur taux de mortalité, et la concentration en tanins condensés dans leur alimentation (Voir doc.3 et doc.4 ci-dessous).

Il met en évidence une inhibition de la digestion par certains tanins, et observe une augmentation rapide de la concentration en tanins chez une espèce d’acacias en réponse à l’herbivorie.

Acacia caffra
Document n°2 - Lorsque brouté, l'acacia local (Acacia caffra) augmente dans ses feuilles la concentration de tannins, bloquant la digestion des koudous.

Il propose un modèle dans lequel les koudous se voient contraints de consommer de fortes quantités de tanins, lorsque la raréfaction des sources de nourriture due à la sécheresse hivernale est aggravée par une densité de population élevée dans les ranches, et par une réaction de certains arbres au broutage.

Les tanins ainsi absorbés inhiberaient le fonctionnement des enzymes du foie et entraîneraient un décès rapide.

Ainsi débarrassée de ses éléments les plus douteux (notamment celui faisant référence à la capacité des acacias à capter de l'éthylène volatile dans une communication inter-plantes - A. Delattre 2019) « Le koudou et l’acacia » devient une anecdote plus sobre, mais pas dépourvue d’intérêt.

Elle montre comment une mauvaise gestion de la densité de population des koudous dans les ranches peut favoriser leur mortalité, et illustre la capacité de certaines espèces d’arbres à modifier leur métabolisme en réponse à l’herbivorie.

Données sur la mortalité des grands koudous
Document n°3 - Données sur la mortalité des grands koudous.

Expériences menées par le professeur Van Hoven

  • Van Hoven et ses étudiants reproduisent la prédation naturelle des koudous sur des acacias en cueillant ou en endommageant les feuilles d’un acacia comme le font les koudous sur une durée de 2 à 3 heures. Ils prélèvent alors des feuilles toutes les demi-heures et analysent le taux de tanins. Voir les résultats sur le document 4.

Résultats d’une étude sur la teneur en tanins des feuilles d’acacia au cours du temps
Document n°4 - Résultats d’une étude sur la teneur en tanins des feuilles d’acacia au cours du temps. Le nombre de (+) indique l’importance du taux.

Activités pratiques

Le contexte

Chez les plantes, les tanins appartiennent à une famille de molécules complexes élaborées à partir du glucose, produit lors de la photosynthèse.

Des enzymes permettent une suite de transformations biochimiques aboutissant à ces molécules qui s’accumulent dans la vacuole de certaines cellules végétales.

Contrairement aux métabolites primaires (glucose, acides aminés, acides gras) présents dans toutes les cellules végétales, les métabolites secondaires ont une répartition différente au sein d’un végétal et entre les différentes espèces (en fonction des enzymes présentes dans la cellule).

Les tanins ont un rôle important pour la plante, notamment dans des interactions avec des animaux herbivores brouteurs.

Activité 1 - Mise en évidence de la présence des tanins dans les feuilles

(impression sur tissu)

Ce que l'on sait

Les tanins réagissent avec le sulfate de fer et produisent une couleur noire.

Protocole à mettre en oeuvre

  1. Sur une planche en bois, positionnez vos feuilles, dessous vers le haut.
  2. Mettez votre tissu sur la feuille.
  3. Mettez des poids sur le tissu pour éviter qu’il bouge.
  4. Avec le marteau, frappez la feuille à travers le tissu sur toute sa surface (commencez par la tige et les nervures).

Cette dernière opération demande un peu de patience car on doit faire attention à ne pas faire bouger le tissu et à frapper toute la surface de la feuille.

Une fois toutes les feuilles frappées, le tissu sera baigné dans un bain de sulfate de fer puis rincé à l’eau savonneuse.

Activité 2 - Mise en évidence de l’action des tanins sur l’amylase

Ce que l'on sait

L’amylase est une enzyme qui intervient dans la digestion de l’amidon (macromolécule présente dans de nombreux végétaux) en glucose. Pour être fonctionnelle, elle doit être « libre » c’est-à-dire dissoute.

Protocole à mettre en oeuvre

  1. Préparer 3 tubes à essai placés sur un portoir.
    • Dans le premier tube, mettre 1mL de solution de tanins et 2 mL d'eau.
    • Dans le deuxième tube, mettre 1 mL d'eau et 2 mL d'enzyme digestive (amylase).
    • Dans le troisième tube, mettre 1 mL de solution de tanins et 2 mL d'amylase.
  2. Agiter les trois tubes et observer les résultats.

Votre propre analyse

Pour mener votre propre analyse de l'anecdote « Le koudou et l’acacia », demandant encore des preuves solides pour être bien étayée, vous pouvez visionner une série de trois épisodes en vidéo, très romancés et dramatisés.

Épisode 1/3 | Épisode 2/3 | Épisode 3/3 | Série écrite et produite par Éric Gonzalez.
Ressources vidéo hébergées sur Dailymotion.

Pour aller plus loin

Le 29/05/2019 - Séance de l’Académie d’Agriculture où Bruno Moulia, Catherine Lenne et Marc-André Sélosse présentent quelques recherches récentes (et inattendues pour certaines) sur les réseaux mycorhiziens, la communication et la sensibilité des plantes.

|→ La communication chez les végétaux : mythe ou réalité ?
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