Danse thérapie

24th Feb 2024 Biologie

Source de la photo : Flickr.

Tango et capoeira

Parkinson, Alzheimer : quand la danse vient en aide aux malades

À ce jour, il n'existe aucun traitement pour stopper l'évolution des troubles des patients atteints des deux plus fréquentes maladies neurodégénératives que sont les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

En attendant de meilleures solutions médicamenteuses, des chercheurs ont décidé de se tourner vers des solutions originales pour permettre aux patients de préserver leurs fonctions le plus longtemps possible et d'améliorer leur humeur.

Nonobstant la destruction et la dégénérescence de certains neurones du cerveau, ce sont des troubles moteurs qui font partie des autres symptômes communs à ces deux maladies qui conduisent à une perte d'autonomie des malades qui bougent moins.

En savoir plus sur |→ la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson.
Liens externes vers le site inserm.fr, s'ouvrent dans une autre fenêtre.

Cette perte d'autonomie fait à son tour moins bouger les personnes atteintes par ces maladies.

Pour rompre ce cercle vicieux associé à ces pathologies des troubles du mouvement et de la posture - en particulier au niveau des ajustements de l’équilibre - plutôt que de s'intéresser à ce que les malades ont perdu, des chercheurs préfèrent connaître où sont les réserves fonctionnelles des patients pour proposer des programmes de prévention plus efficaces.

Aussi, pour être capable de favoriser implicitement le mouvement et de pallier ces troubles moteurs, la danse s'est imposée comme une activité physique adaptée comme source thérapeutique.

Ce que l'on recherche
|→ On se propose de comprendre comment la danse aide à lutter contre les maladies neurodégénératives ?


1. Le tango et la maladie d'Alzheimer


Vidéo

  • Durée de la vidéo : 4 minutes
  • Date de publication : le 3 avril 2013
  • Coproduction : ABB Reportages / Inserm
  • Description : mouvement, danse, tango et réhabilitation – Reportage et interview de France Mourey. Extrait de la série « Les allegros d’Alzheimer ».
  • Hébergement : la chaîne YouTube de l'Inserm


Décryptage

Le tango est une danse qui se rapproche le plus de la marche naturelle.

Elle est donc particulièrement adaptée à un public âgé qui va réapprendre à faire des gestes simples mais malheureusement oubliés : se balancer d’un pied sur l’autre, faire demi-tour ou encore reculer.

La danse suscite également des émotions positives.

Au centre hospitalier gériatrique d’Albigny-sur-Saône, au nord de Lyon, une vingtaine de résidents dansent le tango pour lutter contre la maladie d’Alzheimer.

Dans cet établissement, on commence l’échauffement par chanter. Et les résidents qui ne regardaient plus personne se mettent à se regarder puis à danser. Le tango suscite donc de l’émotion, qui devient un moteur pour initier un mouvement.

Sous l’influence du tango et de la musique, les déplacements compliqués dans la maladie se fluidifient, les pas se transforment, s’allongent, et le rythme de la marche évolue.

Même à des stades très avancés de la maladie, certains malades voient leur mobilité s’améliorer immédiatement.

Une équipe de chercheurs de l’Inserm de l'unité mixte de recherche – CAPS 1093 (Cognition, Action et Plasticité Sensorimotrice) a mesuré les capacités des résidents avant et après trois mois d’ateliers de tango thérapeutique.


Tango-thérapie vs exercice physique chez les personnes âgées

Source : Bracco, L., Pinto-Carral, A., Hillaert, L. et al. Tango-thérapie vs exercice physique chez les personnes âgées atteintes de démence ; un essai randomisé contrôlé. BMC Geriatr 23, 693 (2023). Lire l'article scientifique

Résultats expérimentaux obtenus chez 26 sujets âgés de 65 à 93 ans, vivant dans une unité spécialisée de démence et qui ont été répartis dans un groupe témoin et un groupe d'intervention et bien être.

Modalités de l'approche expérimentale

L'étude a été menée entre décembre 2022 et mars 2023, dans les unités de vie protégées (PLU), qui appartiennent à la maison de retraite Pavillon Jacques Chauvire, appartenant à l'Hôpital gériatrique du Mont d'Or, situé à Albigny-sur-Saône, au nord de Lyon, en France.

Tous les participants, dont 84% de femmes, étaient atteints de symptômes de démence (certains issus de la maladie d'Alzheimer) et étaient capables de marcher 10 m sans assistance humaine. Tous ayant donné leur consentement à participer à cette étude.

Programme thérapeutique de tango

  • Durée de la vidéo : 59 secondes
  • Date de publication : le 26 mai 2021
  • Coproduction : ABB Reportages / Inserm
  • Description : tango for Seniors - Trailer
  • Hébergement : la chaîne YouTube ABB Reportages


Séances dirigées par du personnel infirmier qui a déjà reçu une formation au tango thérapeutique par l'Université de Bourgogne

  • Durée de la vidéo : 10 minutes 7 secondes
  • Date de publication : le 1er février 2022
  • Coproduction : ABB Reportages / Inserm
  • Description : training « Tango for Seniors ».
  • Hébergement : la chaîne YouTube ABB Reportages


Figure 1 - Évolution de la vitesse de marche pour les participants qui ont mené à bien 3 évaluations (n x 26)

Figure n°1

Axes

  • Ordonnées : vitesse de marche
  • Abscisses : Pré-test - Post-test d'un mois - Post-test de 3 mois

Groupes

  • Bleu : groupe témoin ayant suivi des séances d'exercices physiques (sans musique)
  • Rouge : groupe des participants aux interventions et bien être, ayant suivi des séances thérapeutiques de tango.



Figure 2 - Évolution du temps nécessaire pour effectuer l'essai du TURO pour les participants qui ont mené à bien trois évaluations (n x 26)

Figure n°2

TUG = Test timed up and Go - Test chronométré et c'est parti

Axes

  • Ordonnées : Temps moyen requis pour effectuer le TUG en secondes
  • Abscisses : Pré-test - Post-test d'un mois - Post-test de 3 mois

Groupes

  • Bleu : groupe témoin ayant suivi des séances d'exercices physiques (sans musique)
  • Rouge : groupe des participants aux interventions et bien être, ayant suivi des séances thérapeutiques de tango.



Figure 3 - Évolution des compétences ADL (Activités de la vie quotidienne)

Figure n°3



Figure 4 - Évolution des chutes

Figure n°4


Bref bilan

Les résultats sont sans appel : les malades ont vu leurs capacités de mouvement augmenter.

D’une façon plus globale, le fait d’apprendre une nouvelle activité comme une nouvelle danse améliore la plasticité cérébrale c'est-à-dire la capacité du cerveau à récupérer et à se restructurer.


2. La capoeira et la maladie de Parkinson


Vidéo

  • Durée de la vidéo : 6 minutes 7 secondes
  • Date de publication : le 4 septembre 2018
  • Réalisation : le Mag de la Santé sur France 5.
  • Description : la capoeira contre Parkinson. Un atelier de capoeira mis en place à Marseille en présence du Professeur Olivier Blin.
  • Hébergement : la chaîne YouTube EVE'VOTREDIRCOM


Décryptage

|→ Comment la capoeira peut-elle améliorer sensiblement la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ?

Relevant à la fois du combat et de la danse, cette élégante pratique afro-brésilienne demande de l’improvisation sur la musique et le rythme, tout en impliquant un travail important sur l’équilibre, les chutes et la façon de se relever.

Autant d'éléments moteurs qui montrent des troubles chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson.

« La capoeira apprend des techniques pour se sortir de toutes situations. Tomber sur les fesses, les genoux, le dos, sur le côté et amortir, réagir tout de suite, profiter du mouvement et de la vitesse pour se rétablir et arriver à se remettre debout »
- D'après Laure Fernandez - Chercheure à l’Institut des sciences du mouvement et maître de conférences à Aix-Marseille Université.

Ce sport rythmé fait travailler la motricité, la vitesse, et l’amplitude des mouvements mais pas seulement.

D’autres symptômes de la maladie de Parkinson peuvent évoluer comme les troubles de l’humeur ou de l’anxiété. Et les barrières sociales finissent également par tomber.

« La capoeira est à l’origine une activité structurante et assez formelle proposée aux enfants des favelas du Brésil afin de leur donner un cadre de valeurs humaines très fort. Elle aide ainsi à déconstruire la maladie de Parkinson sous tous ces angles et à se reconstruire dans un cadre social différent. »
- Propos recueillis auprès du professeur Olivier Blin, chef du service pharmacologie à l’AP-HM et et directeur de Dhune, programme de recherche sur les maladies neurodégénératives et le vieillissement, au Centre d'Investigation Clinique (CIC) de la Timone à Marseille.

La recherche implique donc autant les sciences humaines et sociales que le contrôle du mouvement.

Après six mois, les chercheurs ont évalué, grâce à une tablette graphique, la progression de la motricité fine et la précision du geste en fonction de la vitesse, un facteur important, déterminant et positif dans le maintien de l’équilibre et de la motricité. Les patients montrent des améliorations sur tous les points. Cependant, Olivier Blin insiste sur le fait que l’étude n’en est qu’à ses débuts.

« Ce sont des prétests encourageants mais on manque encore de connaissances pour aider les patients. Nous espérons mesurer d’autres facteurs physiologiques mais à ce jour le financement de la recherche sur des activités entièrement dédiées aux patients reste très difficile.
Nous manquons cruellement de fonds alors que l’évaluation de l’utilité de ces activités sur le plan médical semble incontournable pour faire bénéficier les patients pleinement et potentiellement de cette expérience.
»

A l'instar du tango, là encore, la capoeira contribue à améliorer la plasticité cérébrale, c'est à dire les mécanismes au cours desquels le cerveau est capable de se modifier en réorganisant les connexions et les réseaux neuronaux, notamment lors d’apprentissage.


Éléments de bibliographie