Eclairage scientifique

Les vaccins à ARN messager

Introduction

Le 27 décembre 2020, la crise sanitaire de la Covid-19 vient de prendre une tournure positive avec le début de la première phase de campagne de vaccination entamée sur le territoire français.

Ce sont les désormais emblématiques spicules protéiques S situées à la surface du SRAS-CoV-2 de la famille des coronavirus qui sont un élément clé du fonctionnement des vaccins à ARNm (ou acide ribonucléique messager) fabriqués par les sociétés pharmaceutiques Pfizer/BioNTech et Moderna.

Développées et produites à des millions de doses en un temps record, ces préparations vaccinales de nouvelle génération sont administrées pour la première fois chez des représentants de l'espèce humaine, dans un contexte très particulier, celui d’une maladie infectieuse pandémique.

Dans ce qui suit |→ on se propose de comprendre ce que sont les vaccins à ARN et comment ils fonctionnent.

Prérequis (*)

Remobilisation des connaissances de 1re générale enseignement scientifique

Thème 1 - Une longue histoire de la matière

  • 1.3 - Une structure complexe : la cellule vivante
    L'essentiel à connaître → lien à déplier

    La cellule est un espace séparé de l’extérieur par une membrane plasmique. Cette membrane est constituée d’une bicouche lipidique et de protéines. La structure membranaire est stabilisée par le caractère hydrophile ou lipophile de certaines parties des molécules constitutives.

Remobilisation des connaissances de 1re générale enseignement de spécialité SVT

Thème 1 - La Terre, la vie et l’organisation du vivant

  • 1A - Transmission, variation et expression du patrimoine génétique
    |→ 1A5 - L'expression du patrimoine génétique
    L'essentiel à connaître → lien à déplier

    Pour synthétiser des protéines, une cellule doit convertir dans son noyau une portion de son ADN en ARN.

    L’information génétique contenue dans l’ADN est d’abord copiée dans le noyau sous forme d’ARN. Cette étape est appelée transcription. Après avoir subi une maturation, l’ARN est exporté dans le cytoplasme. Cette molécule d’ARN véhicule le message permettant la synthèse des protéines, raison pour laquelle on lui a donné le nom d’ARN messager (ARNm).

    Les molécules d’ARN messager parviennent dans le cytoplasme au niveau de structures appelées ribosomes, qui assurent le décodage de l’information génétique portée par les ARN messagers en même temps qu’ils participent à la synthèse des protéines, composées d’unités élémentaires : les acides aminés.

    Au sein du code génétique de l’ARN messager, chaque série de trois lettres (appelés triplets de nucléotides ou codons) correspond à un acide aminé. La synthèse des protéines est également appelée traduction. On dit que les ARN messagers sont traduits.

    Le génome, comment ça marche ?

    Durée de la vidéo : 2 minutes 48 secondes
    Date de publication : le 28 juillet 2017
    Illustration et réalisation : Géraldine Fohr
    Texte : Marion Mathieu (pour tous les chercheurs) et François Faurisson (Inserm)
    Production : Inserm
    Description : le génome, un mot bien mystérieux. Au-delà de chiffres impressionnants, 23 000 gènes, 3 milliards de nucléotides, comment cette gigantesque bibliothèque abritée dans nos cellules nous permet-elle de produire toutes les protéines dont nous avons besoin ?
    Source : la chaîne YouTube de l'Inserm

Thème 3 - Corps humain et santé

  • 3B - Le fonctionnement du système immunitaire humain
    |→ 3B3 - L’utilisation de l’immunité adaptative en santé humaine
    Les acteurs de l’immunité vaccinale → lien à déplier

    La mise en place d’une mémoire immunitaire nécessite la participation de plusieurs acteurs incontournables et en premier lieu ceux qui vont d’emblée présenter l’antigène vaccinal au système immunitaire.

    Ce rôle est dévolu aux macrophages, aux monocytes, aux lymphocytes B et surtout aux cellules dendritiques, souvent dénommées cellules présentatrices d’antigènes « professionnelles » (CPA).

    Ces cellules CPA présentent à leur surface l’antigène sur un support : le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II (CMH-II). L’antigène est alors reconnu par une catégorie de globules blancs, les lymphocytes T CD4. Après reconnaissance de l’antigène, les lymphocytes T CD4 vont aider à la différenciation des lymphocytes B en cellules B mémoire et en plasmocytes (cellules dont le rôle exclusif est de fabriquer des anticorps circulants).

    L’immunité vaccinale repose également sur la capacité d’une autre catégorie de lymphocytes, les cellules T CD8, à reconnaître l’antigène vaccinal. Cette reconnaissance implique cette fois le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I (CMH-I). Après reconnaissance de l’antigène, les lymphocytes T CD8 deviennent des lymphocytes cytotoxiques, autrement dit des cellules « tueuses » capables de détruire les cellules infectées par l’agent infectieux. Cette seconde rencontre avec l’antigène viral déclenchera la mémoire immunitaire grâce aux lymphocytes T mémoire.

(*) Place dans les programmes des Sciences de la vie et de la Terre (SVT) au lycée.

I - Qu'est ce qu'un vaccin à ARN ?

Visionner la vidéo ci-dessous.

  • Durée de la vidéo : 2 minutes 11 secondes
  • Date de publication : le 13 décembre 2020
  • Description : animation claire sur le fonctionnement du vaccin à ARN. Elle illustre bien que l'ARN messager viral injecté ne rentre pas dans le noyau contenant l'ADN de la cellule receveuse.
  • Source : la chaîne YouTube Les Production de la Licorne

Pour aller plus loin.

II - Comment fonctionnent les vaccins à ARNm de Pfizer/BioNTech et de Moderna ?

Traditionnellement, des antigènes (éléments qui engendrent des anticorps) sont inclus dans un vaccin. Cela peut être des bactéries vivantes ou des virus qui ont été préalablement atténués ou inactivés. Cela peut être également un fragment de l'agent infectieux (une toxine, des protéines, ...)

Les différents types de vaccins
Doc.1 - Les différents types de vaccins.

Introduits dans le vaccin, ces antigènes modifiés sont utilisés pour stimuler le système immunitaire en imitant une attaque et en donnant lieu à la production d'anticorps qui serviront aux défenses de l'organisme si un jour celui-ci entre en contact avec le vrai agent infectieux.

Types d'antigènes inclus dans des vaccins et maladies évitées
Doc.2 - Types d'antigènes inclus dans des vaccins et maladies évitées.

Les vaccins à ADN ou à ARN ont une approche différente. Ils portent des informations génétiques pour les cellules de notre organisme afin qu'elles puissent fabriquer elles-mêmes des antigènes. Ce procédé imite une infection naturelle.

Des vaccins via instruction génétiques
Doc.3 - Des vaccins via instruction génétique.

Dans les vaccins incluant des antigènes atténués, comme ceux évitant la rougeole ou les oreillons, les virus affaiblis incorporent leurs instructions génétiques dans les cellules hôtes, ce qui fait que le corps produit des copies virales qui provoquent des réactions d’anticorps et de lymphocytes T.

De façon réductrice, pour les vaccins à ARN, l'antigène atténué ou inactivé n'est pas injecté mais c'est le matériel génétique de l'antigène. Cette information génétique antigénique indique aux cellules comment fabriquer la protéine virale, par exemple la spicule protéique S située à la surface du SRAS-CoV-2, pour laquelle l'organisme produit une réponse immunitaire protectrice grâce à des d'anticorps circulants.

La campagne de vaccination européenne vise à prescrire le vaccin Moderna (ARNm-1273) ou Pfizer/BioNTech (ARNm BNT162b1), pour stimuler la production d'anticorps anti-SRAS-CoV-2 par l'organisme.

Comparaison de deux vaccins à ARN destinés à produire des anticorps anti-SRAS-CoV-2
Doc.4 - Comparaison de deux vaccins à ARN destinés à produire des anticorps anti-SRAS-CoV-2.

L'ARNm du vaccin Pfizer/BioNTech est enveloppé dans une nanoparticule lipidique, appelée liposomes. Ces vésicules artificielles se composent d’une ou de plusieurs bicouches de lipides entourant un noyau aqueux. Pour simplifier à l'extrême, c'est de l'eau et de « l'huile » à la taille du nanomètre (1 et 100 nanomètres).

Nanoparticule lipidique renfermant de l'ARNm
Doc.5 - Nanoparticule lipidique renfermant de l'ARNm.

Rappelons que la vaccination est cruciale en santé publique. Elle a permis d'éradiquer la variole. La poliomyélite pourrait être la prochaine. Cela a eu pour conséquence de diminuer très fortement le nombre de cas de nombreuses maladies en France et dans le monde.

|→ Se vacciner, c'est se protéger soi-même et les autres !
Vaccination info service

La vaccination et la disparition ou la réduction de certaines maladies
Doc.6 - La vaccination et la disparition ou la réduction de certaines maladies.

A ce stade de compréhension, la suite concerne celles et ceux qui peuvent se demander si l’ARN injecté via le vaccin risque de transformer notre génome ou d’être transmis à notre descendance dans le cas où l'ARN étranger pénètre dans le noyau de nos cellules eucaryotes.

III - Quels mécanismes assurent l'exportation de l'ARNm (et non pas son importation) dans le noyau ?

1 - Ce que l'on sait

L'expression d'une information génétique fait intervenir deux processus moléculaires :

  • la transcription de l'ADN en ARN messager (ARNm) ;
  • la traduction de l'ARNm en chaînes polypeptidiques composées d'acides aminés constituants élémentaires des protéines.

Les protéines assurent de nombreuses fonctions : structurale, enzymatique, hormonale...

De l'ADN à la protéine
Doc.7 - De l'ADN à la protéine.
Récapitulatif de l'expression d'un gène (transcription puis traduction) dans une cellule eucaryote.

Une cellule eucaryote est compartimentée et délimitée par une membrane plasmique. A l'intérieur du compartiment intracellulaire (ou cytoplasme), il en est de même pour le noyau délimité par une enveloppe. Le noyau contient l'ADN. C'est au cours de la transcription qu'il y a production d'ARNm à partir d'un brin d'ADN.

Une cellule eucaryote
Doc.8 - Organisation d'une cellule eucaryote.

Dans une cellule eucaryote, la transcription se fait dans le noyau et la traduction dans le cytoplasme, à l'extérieur du noyau.

2 - Le rôle des pores nucléaires

Les pores nucléaires et les protéines associées sont des éléments clefs de ce qui rentre et sort du noyau d'une cellule. Ils assurent les directions des importations et exportations.

Les pores nucléaires
Doc.9 - Les pores nucléaires.

La direction de ce qui rentre ou sort du noyau d'une cellule est imposée et +/- irréversible :

  • les protéines de structures, pour la transcription sont importées ;
  • l'ARNm issu de la transcription est uniquement exporté ainsi que d'autres ARN (ARNt, ARNr). Un ARN messager externe ne peut donc pas rentrer dans le noyau.

L'importation et l'exportation de molécules au travers de pores de l'enveloppe nucléaire
Doc.10 - L'importation et l'exportation de molécules au travers de pores de l'enveloppe nucléaire.

Il y a environ 20 pores par micromètre carré de noyau. Un pore fait environ une centaine de nanomètres avec un canal interne d'environ 30 nm. Ces pores sont composés de protéines, appelées nucléoporines.

Les nucléoporines associées à un pore nucléaire
Doc.11 - Les nucléoporines associées à un pore nucléaire.

Pour être exporté, l'ARN messager doit se lier à un dimère d'export. Ce dimère a la capacité de reconnaître des nucléoporines à répétition FG, ce qui autorise la sortie par le pore nucléaire. Cet ARNm sera ensuite traduit en une protéine dans le cytoplasme, à l'extérieur du noyau.

L'exportation de l'ARNm à l'extérieur du noyau
Doc.12 - L'exportation de l'ARNm à l'extérieur du noyau.

Une enzyme hélicase à ARN, associée sur les filaments cytoplasmique des pores nucléaires, débobine l’ARNm une fois qu’il est exporté et éjecte le récepteur associé à l’ARNm, imposant ainsi la direction dans le sens de l'exportation dans le cytoplasme cellulaire.

Ce mécanisme moléculaire rend donc improbable qu'un ARNm étranger puisse modifier l'ADN en rentrant dans le noyau cellulaire.

L'INSERM écrit : « il est important de préciser que l’ARN injecté via le vaccin n’a aucun risque de transformer notre génome ou d’être transmis à notre descendance dans la mesure où, comme mentionné plus haut, il ne pénètre pas dans le noyau des cellules. »

Conclusion

En résumé : ce qu'il faut retenir

Infographie
Infographie - Affichage alternatif


Sitographie

|→ L’aventure scientifique des vaccins à ARN messager
Article rédigé par Marc Gozlan, journaliste médico-scientifique, publié le 14/12/2020 sur son blog hébergé par le site lemonde.fr
Lien externe, s'ouvre dans une nouvelle fenêtre.
Date de consultation : le 27/12/2020

|→ Les vaccins à ARNm susceptibles de modifier notre génome, vraiment ?
Texte rédigé par l'INSERM (Salle de presse), publié le 14/12/2020 avec le soutien de Bruno Pitard, directeur de recherche au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA) et spécialiste de la vaccination ARN
Lien externe, s'ouvre dans une nouvelle fenêtre.
Date de consultation : le 26/12/2020

|→ Des infographies sur le coronavirus
Lien externe, s'ouvre dans une nouvelle fenêtre.
Date de consultation : le 23/12/2020

|→ Les comptes twitter de :
Liens externes, s'ouvre dans une nouvelle fenêtre.
Dates de consultations : fréquentes

  • Thibault Fiolet @T_Fiolet, épidémiologiste et doctorant en Santé publique à l'Inserm.
  • Mathieu Edouard Rebeaud @Damkyan_Omega, biochimiste et biologiste moléculaire de l'université de Lausanne, Suisse.

Article précédent Article suivant

Que sont les vaccins à ARN et comment fonctionnent-ils ?